Dans la cour de Sa grace la Santé Publique
J’ai grandis pour ainsi dire dans des hôpitaux ! non pas que j’étais malade depuis mon jeune âge, mais étant la fille d’un médecin travaillant pour le compte de l’état, j’ai été élevé dans la cour de cette grande dame nommée Santé Publique…de ville en ville, parcourant le Maroc, j’ai menée une enfance spéciale, une adolescence bohémienne, parsemées d’amitiés éphémères, des compagnons de jeux passagers, de simples noms perdues dans ma mémoires, des murs qui changent souvent, des paysages qui se transforment, des horizons qui se métamorphosent… mais jamais très loin d’un hôpital public …
Fille du médecin chef, je menais une vie protégée, couvée, effleurant parfois les pavés de ces grandes battisses, mais sans vraiment palper la détresse qu’elle contiennent …jamais loin d’un hôpital, je restais à l’abri dans le cocon d’une vie choyée, mes parents ayant fait leur choix de nous désigner comme priorité suprême de leur existence…
Des années ont passé, la petite fille gâtée, confrontée à la réalité de la vie, a abandonné ses habitudes d’assistée et a mué en femme battante, marchant sur un chemin tracé par des étoiles qui scintillent dans ses rêves…
Sur le navire de ma destinée tantôt voguant sur des eaux paisibles, et tantôt tenant tête à des tornades impitoyables, je poursuis mon chemin pour accomplir la prophétie d’une femme libérée…
C’est ainsi que ce matin, suivant le conseil et recommandation de mon père, je me retrouvais pour la première fois de ma vie, au milieu d’un hôpital public sans qu’il n’y ait personne pour m’attendre à la porte, à la recherche d’un certain pavillon, demandant mon chemin je finis par repérer ce grand bâtiment héritage du protectorat français…
Dés que j’ai pénétré dans le service une sensation bizarre m'a prit à la gorge : un malaise devant ces gens amassés, entassés, miséreux, une grande souffrance se dessinant sur le visage …je faisais tâche dans le décor général avec mon jean et mon tee-shirt jaune et noir, je ne faisais pas partie du décor, alors une infirmière zélée, vient à ma rencontre, en deux mots elle a comprit que j’étais la fille du confère que le docteur attendait… il est en auscultation me dit elle, je peux attendre lui répondais je, le plus simplement possible, mais elle a insisté pour me faire attendre dans un bureau, j’ai détesté ce sentiment de me mettre à part, comme si je risquais de me désintégrer aux contacts de ces malades, j’ai détesté cette infirmière qui se montrait servile parc que je mettais des lunettes signées et la toisait de haut…alors je pris un siège vide à côté d’un jeune et patienta tout en observant les gens autour …
Mon regard fut accroché par une jeune femme en face de moi : la 30 aine, sur son visage se lit les traces d’une beauté révolue, mais son teint a noircit, ses yeux ont fané et son sourire s’est suicidé, elle tenait un enfant qui se tordait de douleurs dans ses bras, elle serrait dans une main un papier ; le bon de consultation, comme si c’était son entrée en paradis, je détournais le regard pour ne pas crier de rage ! et je le remarquais lui, un homme accablé qui n’a plus d’âge, habillé par des haillons mais propre, il gribouillait sur un bout de papier frénétiquement, en écoutant sa conversation avec sa femme, je compris qu’il faisait les calculs pour l’achat de ses médicaments à elle, trop coûteux pour un simple smicard !!!
Gamine, j’avais parfois honte de ma condition de nantie, je n’ai plus ce complexe, mais ce matin, dans un excès de rêve j’aurais aimer détenir une baguette magique, ou dans un abus de lâcheté, me transformer en souris… tout ce que je sais c’est que je me sentais mal de se tenir dans cette salle d’attente, non pas parc que je répugnais le contact de ces gens, nullement ! mais parc que je me sentais impuissante devant tant de détresse !