Testament d'Ash : À propos de lAtelier Camus 2004/05
Le jour où j’ai été mangé cru ! Service en trois actes:Par Hicham LASRI " Penser c'est avant tout vouloir créer un monde" Camus
1- « Ash muet» débarque dans le saloon de CamuCity… Au départ de cet atelier avec les enfants, il y a une sorte d’imposture. Une erreur de Casting que j’ai toléré parce qu’en tant que raconteur d’histoire, je me poste en vautour pour guetter l’alchimie du désespoir, l’énergie du malentendu et je cueille comme des fleurs les expressions de surprise sur les visages des gens.
Me retrouver au milieu « des artistes plasticiens » est une sorte d’infiltration que j’ai vécu comme des vacances en me rappelant le bon souvenir d’Un flic dans
Moi, le « court-métragiste » constamment entre deux projets de films, deux projets de scénarios et deux projets aux allures d’O.F.N.I. je me retrouve comme facette de la représentation picturale. Je hoche la tête pour appuyer une mouvance plastique, et une philosophie de la création…
Autant le dire tout de suite, les cinéastes sont des raconteurs d’histoire que se coltinent beaucoup de travail et le travail promotionnel est une corvée pour vendre le film qu’ils ont entre les mains pour pouvoir financer le suivant…
Point barre.
Le cinéma est un art du prolétariat.(on y trouve le menuisier, l’électricien, le machiniste, le colleur de gaffer beaucoup de Tâcherons et avec un peu de chance même des plombiers). Quand tu fais la pause Arty, le train passe et tu te retrouves dans les plis de l’histoire…
Donc en projetant mon court-métrage j’en préparais deux autres : « Jardin des rides » & « Lunati(K)a ». je savais que présenter mon film à un autre public serait plus compliquée à gérer parce que j’ai déjà les yeux dans les viseurs de mes deux prochains projets…
Mais la beauté de faire un film c’est quand il arrive à se débrouiller pour se trouver des lieux de projections. Et plus il est projetté dans des lieux fantasque plus le film se porte bien. Le summum peut être un Drive In ou un garage. Moi mon film a plus de chance, il est projeté dans une école, et encore mieux, dans une salle de sport d’une école…
On se casse la tête pour trouver la meilleur configuration de l’espace pour projeter le film.
Deux jours de préparation pour condamner une jolie salle de sport qui vibre toujours sur les échos des cris des enfants qui s’amusent. Condamner les fenêtre, chasser ma lumière, confectionner un honorable écran qui sent la colle et l’accrocher au mur, régler la sono et mettre des stores. Voilà. Le spectacle peut commencer…
Mon œuvre « d’art plastique » n’est rien d’autre qu’une rondelle en plastique. Un simple DVD, objet si banal qui renferme le résultat d’une année de labeur. Puis un lecteur DVD et un projecteur pour ciseler de la lumière sur la toile blanche qui sent la colle. Le miracle : contrairement aux mouches, les images ne collent pas à la toile. Les images sautillent, virevoltent, l’émotion et les rires font vibrer la toile…
Les gens entrent dans l’obscurité de la salle et adopte la position des gens qui entrent dans un lieu de culte. Le silence des gens est rattrapé par la cacophonie d’ ALI JNAH qui part dans ces soliloques sur la vie, la mort et la portière arrière qui refuse de se fermer…
Mon court-métrage « ALI J’NAH FREESTYLE » qui passe en boucle pendant plusieurs jours est une très belle expérience d’exposition. Quelque chose qui me prépare aux sorties salles d’un long-métrage. Expérience de l’usure et de l’abandon de & vers les regards des autres. Déballage affectif par images interposées et bras de fer moral chaque fois qu’une nouvelle personne rentre dans la salle obscure auréolée d’un « osez y entrer » lancé comme une invitation pudique en face des gens…
Sur les nerfs, j’ai fui le champ de bataille laissant mon film à son sort, à ses assaillants et à l’appréciation des gens. Et un sort c’est le but de chaque film : survivre par ses propres moyens et l’ensemble de son héritage génétique le plus long temps possible dans la tête et le cœur des gens…
2- « Ash Muet» réalise que ce sont les Indiens qui sont les héros du film et pas lui… Après, les festivités commencent.
Photo de groupe avec les autres participants…
L’occasion de voir et d’apprécier des travaux qui oscillent entre la virginité et les zombies, entre les corps aériens et les corps emprisonnés…
Des œuvres qui n’ont pas peur d’être hermétique mais sans pudeur…
Les œuvres sont les extensions quasi morphologiques de chaque artiste…
Il est étonnant de se dire que ces artistes peuvent mettre sans problème l’un de leurs œuvres à la place de leur photos dans les cartes d’identité nationale…
Voir les 13 autres univers est une belle expérience de rechargement de batteries…
Moment de flottement…
Excitation de la rencontre…
Joie de se fondre dans la foule incognito pour entendre les commentaires des gens sur ton travail sans qu’ils réalise qui tu es…
Puis réveil difficile… Il fallait animer un atelier avec les enfants. « ah, bon ! » j’avais oublié que c’est ce qu’on m’avait dit au départ. « Projeter ton film ET Faire un atelier avec les enfants ».
ce genre d’oubli me rappelle toujours que je n’ai commencé à écrire des scénarios que parce que j’ai une mémoire de mouche tsé-tsé. Un peu de temps pour m’habituer à l’idée.
Je n’ai aucun problème à parler de mon travail fini, ni à communiquer mon enthousiasme sur mon work in progress, c’est même pour moi le seul Sport-Fitness que je pratique (à côté de regarder les films et monter les escaliers) mais c’est toujours une question de vocabulaire. Et plus c’est compliqué avec des mots d’auteur plus les gens sont contents de ce que je leur dise, j’arrive à faire passer mon complexe de littérateur refoulé dans les conférences et les cours que je donne autour du cinéma et du scénario.
Mais cette fois, je suis un homme mort. Un homme démasqué et mort. Car tout ce que je fais est calibré pour les adultes qui ont une capacité de concentration étonnante chaque fois qu’il s’agit de parler de cinéma.
Toutes ces années de déformation professionnelles seront la raison de ma perte face à ces enfants. Toute ma tchatche de quelqu’un qui a été un livre dans une autre vie ne me servirait à rien face à ces enfants…
Je devrais avoir des tendances suicidaires latentes pour accepter autant de risques : « Animer » des ateliers avec une classe. OK d’accord, je signe le contrat, mais je ne trouve aucune clause qui mentionne QUI va « m’animer » MOI à la fin de chaque atelier. Comme toujours je partais optimiste sur ma capacité à survivre à une épreuve aussi dure. L’un des travaux que même Hercule n’a pas osé affronter.
Je retiens mon souffle, je me rappelle quelques conseils du maître Yoda, « Que la force soit avec toi mon fils ». J’ai remercié maître Yoda en le secouant chaleureusement sans oser parler pour ne pas perdre mon souffle…
Je baisse la tête…
Fait grincer mes dents…
Et je fonce contre le mur…
3 - Règlement de compte à OK CamuCity. La mort annoncée de Ash Muet… Il y avait quelque chose à la fois sublimé et aussi d’inquiétant dans cette expérience. Jugez plutôt : moi face à une vingtaine d’enfant, impitoyablement livré à eux dans l’arène avec comme seule arme ma capacité à leur communiquer mon sempiternel « je viens en paix » en levant ma main gauche au lieu de la droite…
Les « police verso » pleuvent comme des rayons de soleil…
La poussière remplit mes yeux et mes poches…
Je tire sur l’ourlet de ma conscience professionnel pour ne pas fuir…
La bataille se révèle de plus en plus féroce…
Le soleil tape dur à coups de batte de base-ball…
« Ash Muet » se fait laminer, malmener, et surmener…
Les « Indiens » sont de plus en plus cruels…
Les ricanements fusent dans la vallée comme des vautours…
Ellipse… Ecran noir… Halètement… Suspense… La poussière commence à tomber, dévoilant de magnifique corps qui se découpent contre les tableaux de classe et les dessins faits par les enfants…
Lentement, le champ de bataille se dégage…
Des lueurs de soleil (qui a laissé tomber sa batte) percent la carapace de poussière…
Valérie, l’institutrice est la première des survivants à apparaître, puis toute la classe marche au pas derrière elle…
Tout le monde est souriant et content…
C’est la fin de l’atelier…
Pour Ash Muet, il s’en sort crevé comme un pneu mais très heureux d’avoir passé au travers de cette autre épreuve…
Il sourit de toutes ces dents qui manquent…
Il pense qu’il a appris aux élèves aux moins deux chose extrêmement importante qui ouvrent des portes dans le monde du cinéma :
1 – le gros plan
2 – le plan sur la comète…
Ash muet salue la foule chaleureusement. Il se prend pour un astronaute…
Puis quelqu’un s’approche de lui et lui chuchote quelque chose à l’oreille…
Ash muet devient blême…
Il est en nage…
Ses yeux roulent dans leurs orbites et regardent autour de lui prêt à crier « à l’aide », « help »
Puis il tombe dans les pommes…
Flash-back
Quelques instants plutôt…
Le quelqu’un se penche sur lui :
« bravo Ash, il ne te reste que 4 autres ateliers… ! »
et c’est là que le pauvre Ash est tombé dans les vapes. En oubliant, bien sûr son parachute…
à suivre… Ash